Quel avenir pour les pourboires ?

Dans de nombreux pays, le pourboire est ancré dans les habitudes de consommation. Aux États-Unis, il est même institutionnalisé et s’élève à 15 ou 20 % de la note finale. Les Américains, lorsqu’ils commandent au restaurant, savent déjà que leur note ne se limitera pas au montant de leur commande. Ils considèrent le pourboire à laisser comme un montant dû au restaurant. Mais s’il est automatique outre-Atlantique, le pourboire est perçu par les Français comme un effort supplémentaire et inattendu à la fin d’un bon repas.  

On assiste à un recul progressif des pourboires laissés par les clients. Les principaux secteurs concernés sont évidemment ceux de la restauration et de l’hôtellerie, où le pourboire est un vrai complément de salaire. Les autres secteurs de services sont également touchés, en particulier les chauffeurs et livreurs dont les conditions de travail sont souvent difficiles. 

On constate une baisse en termes de fréquence, car les clients donnent moins souvent, mais aussi en termes de montant, car les gens donnent moins. Ces métiers deviennent donc moins intéressants financièrement parlant et l’intérêt pour le secteur décroît, laissant de nombreux emplois à pourvoir. Autrefois, les serveurs recevaient leur salaire mensuel, auquel ils additionnaient leurs pourboires. Aujourd’hui, avec la diminution des pourboires, les rentrées d’argent sont plus faibles. 

Une étude réalisée en juin 2021 par le CSA pour la fintech française Lyf indique que 77 % des Français donnent des pourboires. Les 18-24 ans, malgré leur budget limité, se montrent plus généreux que leurs aînés. Pour cette génération, laisser un pourboire n’est pas qu’une question de générosité, cela dépend aussi du moyen dont elle dispose pour le payer. Selon cette même étude, 58 % des 18-24 ans déclarent ne jamais avoir de monnaie sur eux, contre 35 % des Français en général. Les clients ont donc tendance à se déplacer sans espèces et, à l’heure de régler, il leur est impossible de donner un pourboire. Les consommateurs, notamment les plus jeunes, se détournent de l’argent liquide et privilégient le paiement par carte bancaire ou par smartphone. Nombreux sont leurs arguments : plus pratique, plus sécurisé, plus rapide.

Cette étude annonce également qu’après de la pandémie de la COVID-19, 62 % des 18-24 ans souhaitent donner plus de pourboires. Cette vague de générosité s’explique par la volonté des Français à encourager la reprise des activités et à aider les professions ayant été les plus impactées. Les jeunes semblent déjà se montrer de plus en plus généreux à condition de disposer d’une solution de paiement adaptée. 

Le pessimisme ambiant peut également expliquer la réticence de certains clients à laisser un pourboire. Ces derniers se montrent économes et préfèrent mettre de l’argent de côté pour le futur.

Les établissements peuvent d’ores et déjà proposer le paiement du pourboire par carte bancaire avec ou sans contact, mais ils ne l’encouragent pas. Pourquoi ? Tout simplement car, dans ce cas de figure, le pourboire est soumis aux taxes de l’État. 

Au vu des conséquences préoccupantes pour les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, l’État a décidé de réagir en défiscalisant les pourboires laissés par carte bleue. Les employeurs n’auront donc aucune charge à payer et les salariés aucun impôt à verser. Cette mesure devrait entrer en vigueur en 2022. 

Pour faire face à ce phénomène, une autre partie de la solution serait de s’adapter aux habitudes de paiement actuelles. Défiscaliser les pourboires payés par carte permettra aux établissements de faire un pas vers les clients en leur facilitant ce don, mais il faut aller au-delà. Lorsque les pourboires sont simplifiés, les clients sont plus enclins à donner. La moyenne du pourboire laissé aux chauffeurs VTC et livreurs est nettement plus élevée que celle des serveurs. Cela s’explique en partie par la possibilité de laisser un pourboire directement via l’application. 

Et si le pourboire dépendait finalement davantage d’une technologie, d’un clic, que de la générosité des Français ? L’exploration et la démocratisation de nouveaux moyens de régler les pourboires, grâce à des paiements dématérialisés via smartphone , via une application mobile ou en flashant un QR code, pourraient ainsi changer la donne.